Messagepar AS 31 » 27 oct. 2015, 11:25
Bonjour,
Mon premier réflexe a été d’aller voir sur immoprix, le site qui donne les prix au m², ville par ville, tirés des transactions enregistrées chez les notaires.
J’ai commencé tout de suite à m’inquiéter car c’est la première fois que ce site m’indique qu’il n’y a pas eu assez de transactions entre le 01/07/2014 et le 30/06/2015 pour donner des chiffres fiables (vous pouvez le vérifier ici : http://www.immoprix.com/ipStat.php?tb=APA&zgid=&zg=c&cp=&c=roubaix&a=&d=&r=42).
Autre signe d’inquiétude : Roubaix se situe dans la zone B1 de la loi Pinel et donc, le plafond de loyer pour un 64 m² est de 641 €. Je vous rappelle que les loyers Pinel sont plafonnés, de façon à offrir au locataire, un loyer inférieur au marché local. Par conséquent, quand la demande locative est suffisamment forte, un logement Pinel est loué au loyer plafond, sauf dans les villes où le niveau de vie moyen est insuffisant.
Ici vous me dites que le conseiller vous donne un loyer de 620 €… pas bon signe !
Allons voir sur le site de l’INSEE les données sur Roubaix (lien : http://www.insee.fr/fr/themes/comparateur.asp?codgeo=com-59512) :
Part des ménages fiscaux imposés en 2012, 38,2 %
Médiane du revenu disponible par unité de consommation en 2012, 13 050,0 €
Taux de pauvreté en 2012, 42,0 %
Taux de chômage des 15 à 64 ans en 2012 : 30,8 %
Ça commence à me parler, mais peut-être pas à vous alors comparons avec Lille (http://www.insee.fr/fr/themes/comparateur.asp?codgeo=com-59350) :
Part des ménages fiscaux imposés en 2012, 59,0 %
Médiane du revenu disponible par unité de consommation en 2012, 17 534,0 €
Taux de pauvreté en 2012, 24,2 %
Taux de chômage des 15 à 64 ans en 2012 : 18,6 %
Avec Nantes (http://www.insee.fr/fr/themes/comparateur.asp?codgeo=com-44109) :
Part des ménages fiscaux imposés en 2012, 64,5 %
Médiane du revenu disponible par unité de consommation en 2012, 20 413,0 €
Taux de pauvreté en 2012, 15 %
Taux de chômage des 15 à 64 ans en 2012 : 15,8 %
Bordeaux (http://www.insee.fr/fr/themes/comparateur.asp?codgeo=com-33063) :
Part des ménages fiscaux imposés en 2012, 63,6 %
Médiane du revenu disponible par unité de consommation en 2012, 20 561,0 €
Taux de pauvreté en 2012, 16,1 %
Taux de chômage des 15 à 64 ans en 2012 : 15,2 %
Toulouse (http://www.insee.fr/fr/themes/comparateur.asp?codgeo=com-31555) :
Part des ménages fiscaux imposés en 2012, 63,8 %
Médiane du revenu disponible par unité de consommation en 2012, 19 883,2 €
Taux de pauvreté en 2012, 18 %
Taux de chômage des 15 à 64 ans en 2012 : 16,7 %
Je crois inutile d’aller plus loin. Personnellement, quand je vois ces chiffres, je n’ai pas envie d’inciter mes clients à investir à Roubaix, à moins que je leur trouve une affaire en or, ce qui est peut-être le cas de ce que l’on vous propose, vérifions :
190 000 € pour un logement de 64 m² nous donne du 2 969 € le m².
Comme le site des notaires ne me donne aucune indication, je suis allé voir ici : http://www.lacoteimmo.com/prix-de-l-immo/vente/nord-pas-de-calais/nord/roubaix/590512.htm
La rue Edouard Vaillant relie l’avenue Gustave Delory au rond-point juste au-dessus, donc dans la zone en vert où les prix de l’ancien tournent aux alentours des 1 500 € le m². Ce qui signifie que, à 2 969 €, on vous vend ce logement 98 % plus cher que les prix de l’ancien dans le quartier. Bon, mais le conseiller vous fait remarquer que c’est du neuf (loué en locatif social restera-t-il neuf longtemps ?), qu’il est bien isolé, que c’est beau et que ça sent le frais… admettons alors que l’on se réfère aux prix de la gamme au-dessus en supposant que les logements anciens de cette gamme se vendent plutôt 2 000 € le m². Dans ce cas, un logement payé 2 969 € coûte toujours 48 % plus cher que l’ancien (je vous rappelle que la réduction d’impôt n’est que de 21 % maxi).
Comme le réduction d’impôt diminue la dixième année (elle passe de 2 % à 1 % par an) puis disparait la treizième année, l’investisseur est obligé de revendre un logement dont il ne peut plus assumer le coût (le conseil que je suis trouve toujours aussi curieux d’acheter de l’immobilier en sachant que l’on va être obligé de le revendre… quel pari audacieux).
Dans votre cas, la question ne se pose même pas car, avec un crédit sur 25 ans, je ne pense pas que le « conseiller » vous fasse investir dans le but de le garder et de vous constituer des revenus futurs, notamment pour la retraite. C’est dommage car l’immobilier sert justement à percevoir des revenus, protéger son conjoint en cas de décès (assurance du crédit, puis usufruit des loyers) et à transmettre un patrimoine à ses enfants.
J’ai réalisé une étude chiffrée avec les éléments que vous m’avez fournis (j’ai rajouté la taxe foncière que vous avez oubliée ainsi que les frais de notaire et de garantie du crédit). Voici les résultats :
Sur 9 ans, le prix de revient est de 23 815 € (si le logement est loué sans impayés et sans problèmes tous les mois), soit 221 € par mois et le capital restant dû sur le crédit de 143 692 €.
Cela signifie, en clair, que le prix limite de revente au-delà duquel vous êtes perdant est de 167 507 € (23 815 pour vous rembourser vous-même et 143 692 pour rembourser la banque), soit 2 617 € le m² (30 % plus cher que l’ancien d’aujourd’hui).
Pour gagner l’équivalent d’un placement qui rapporterait 5 % par an (à 3 % autant ne pas prendre de risques avec de l’immobilier et choisir l’assurance vie), il faudrait revendre 173 721 €, soit 2 714 € le m² (36 % de plus que l’ancien).
Sur 12 ans, le prix de revient est de 36 885 €, soit 256 € par mois et le capital restant dû de 122 032 €.
Donc le prix limite de revente au-delà duquel vous êtes perdant est de 158 917 €, soit 2 483 € le m² (24 % plus cher que l’ancien d’aujourd’hui).
Pour un rendement de 5 %, le prix de vente serait de 172 244 €, soit 2 691 € le m² (35 % de plus que l’ancien).
Vous vous demandez peut-être pourquoi je vous parle en détail des prix dans l’ancien ?
C’est simple : quand vous revendrez (en même temps que tous les autres, bonjour la concurrence) dans 10 à 12 ans ce logement, votre acquéreur va acheter un logement d’une dizaine d’années sans bénéficier de ristourne fiscale… Il achètera donc bien de l’ancien et se réfèrera aux prix de l’ancien. Et comme on ne peut pas se servir du passé pour prédire l’avenir (je sais, certains vendeurs le font), rien ne dit que les prix de l’ancien auront augmenté, d’autant plus quand je regarde les données INSEE sur Roubaix.
En résumé, et si tout s’est bien passé (loyer payé tous les mois en continu) :
Pour faire une opération neutre (sans gain ni perte, ce qui serait ridicule car je vous rappelle que vous vous endettez sur 25 ans à hauteur de 190 000 €), il faut que les prix aient augmenté de 30 % en 9 ans (2,95 % par an) et de 24 % en 12 ans (1,8 % par an).
Pour l’équivalent d’un placement qui rapporterait 5 % par an, il faut que les prix aient augmenté de 36 % en 9 ans (3,47 % par an) et de 35 % en 12 ans (2,53 % par an).
Et encore, c’est la théorie, si tout se passe comme sur le papier.
Vous pouvez maintenant vous faire une idée par vous-même mais je maintiens ma position : je ne veux pas en vendre à mes clients.
Cordialement.
Patrick LEGOFF