Messagepar AS 31 » 09 mars 2022, 20:11
Cela faisait un moment que j'avais envie de vous raconter cette anecdote vécue, car on atteint des sommets dans la malhonnêteté commerciale de certains. Monsieur Christophe D m'a contacté fin décembre, après avoir trouvé mes coordonnées sur ce forum (en cherchant un peu, on trouve), car il voulait avoir mon analyse sur un investissement qu'on lui proposait en loi Pinel (pour ceux qui ne me connaissent pas encore, je suis conseiller en gestion de patrimoine indépendant, même très indépendant, puisque rattaché à aucune marque ni aucun groupe).
Je vais vous relater ici mes échanges avec Monsieur Christophe D, qui m'avait demandé de lui faire une analyse, et qui avait pour objectif de récupérer un capital dans une dizaine d'années, quand il partira en retraite. Si vous n'êtes pas encore assis, je vous conseille de vous asseoir, car tout ce que vous allez lire ici est malheureusement vrai, et certains utilisent des méthodes commerciales qui me mettent en colère, car elles abîment l'image de mon métier. Et dans cet exemple vécu que je vais vous relater ici, c'était l'avenir financier de Christophe D qui était en jeu si je n'étais pas intervenu (je n'ai pas la grosse tête quand je dis ça, j'aime juste mon métier de conseil, et je ne supporte pas que l'on puisse gagner de l'argent de manière malhonnête au point de ruiner les gens).
Ses projets futurs seraient devenus complètement impossibles à réaliser, tout ça parce qu'un cabinet de conseil peu scrupuleux avait une grosse commission à toucher sur cette vente (Monsieur D m'a envoyé tout le dossier, y compris le contrat de réservation, dans lequel est indiquée une commission de 26 992 € HT, soit 32 390 € TTC, vous avouerez qu'il y a de quoi être motivé pour des gens sans scrupules).
Pour être précis, il m'a contacté par mail le 24 décembre pour m'indiquer qu’on devait lui faire une proposition d'investissement en loi Pinel début janvier, et le 6 janvier, il m'a envoyé le dossier complet avec son téléphone pour que l'on puisse se parler (et il a bien fait, vous allez voir pourquoi juste après). Dans le dossier il y a la plaquette commerciale du promoteur, qui nous parle d'un quartier résidentiel parmi les plus prisés à Toulouse, alors qu'il s'agit juste d'un quartier quelconque, excentré du centre-ville, avec très peu de commerces, et plutôt calme, bref un quartier d'habitation correct mais sans charme particulier. Dans le dossier il y a également une étude, qui pour moi est une caricature (si je faisais des études comme cela, j'aurais honte), car sur les 24 pages de l'étude, il n'y a que du baratin et des schémas dans tous les sens, sans aucune analyse. C'est tellement caricatural, que j'ai décidé d'en faire une vidéo, dès que j'en ai le temps car une vidéo ça prend du temps (vous pouvez vous abonner à ma chaîne pour en être prévenus, c’est plus simple).
Comme l'objectif de Monsieur D était de récupérer un capital, cette étude s'arrête au bout de 9 ans en supposant une revente, avec deux hypothèses : la première suppose une revente au prix d'achat, ce qui ne tient pas debout comme vous allez le voir juste après, et la 2e hypothèse va même jusqu'à supposer une revente 30 000 € au-dessus du prix d'achat (quand il y a 32 000 € de commissions en jeu, certains sont prêts à raconter n'importe quoi, quitte à ruiner leurs clients).
Mais cet exemple n'est pas un pas isolé puisque, toutes les études que l'on m'a fait passer pour analyse depuis 6 ans j'interviens sur ce forum, toutes ces études supposent une revente au prix d'achat, ce qui n'est pas réaliste, puisque vous revendrez au prix du marché, c'est à dire le marché de l'ancien. Mais ces pseudo études sont tellement bien faites, qu'elles vous emmènent là où on veut vous emmener, et il faut les réflexes d'un spécialiste pour déjouer les pièges et surtout faire une vraie analyse.
Je vais recopier ici celle que j'ai faite à Monsieur D en analysant le marché immobilier dans ce quartier précis (périmètre de 500 mètres autour de l'investissement qu'on lui proposait). Je me cite donc ici :
J'ai cherché des ventes dans l'ancien pour des T3 de surface similaire, dans un périmètre de 500 mètres et j'en ai trouvé 28 (j'ajoute ici que quasiment toutes les ventes, sont ce que l'on appelle des sorties de défiscalisation, donc tout le monde revend en même temp). La plupart des ventes ont lieu à moins de 3 000 € le m², et il y en a seulement 8 qui sont au-dessus. Et celles-ci sont toutes aux alentours de 3 200 (remarque : le marché est très structuré puisque toutes les ventes sont dans le même périmètre de prix, preuve que le quartier n'a rien d'exceptionnel, sinon il y aurait des biens d'exception vendus au-dessus de la moyenne).
Si je suis optimiste et que je cale le prix de revente du T3 que l'on vous propose à 3 500 € le m², cela nous donne 226 520. Je vais être encore très optimiste en arrondissant à 230 000.
Analyse de votre étude (si on peut appeler ça une étude) :
Vous avez un capital restant dû sur le crédit de 215 357 €.
Vous avez un effort de trésorerie de 400 € par mois sur 9 ans, soit un total de 43 200 €.
Le prix limite de revente pour ne pas être perdant est donc de 258 557 (215 357 pour solder le crédit + 43 200 pour vous rembourser vous-même).
Si je garde mon hypothèse de revente optimiste à 230 000, vous aurez perdu 28 557 €, pour une opération qui vous aura coûté 400 € par mois.
J'ajoute ici une remarque que je lui avais faite à l'oral : imaginez ce qui se passerait si entre-temps, les taux de crédit se mettaient à remonter, ce qui ferait chuter le marché.
Monsieur D m'a alors demandé si j'avais un investissement immobilier à lui proposer pour qu'il puisse récupérer un capital dans une dizaine d'années, et j'ai refusé, en lui expliquant que, même si j'utilise des supports beaucoup plus rentables, comme je ne suis pas devin et que je ne connais pas le marché dans 10 ans, je ne peux pas lui faire faire un tel pari, l'immobilier étant pour moi toujours un investissement de long terme (mais vous remarquerez que tous les gens qui vous vendent du Pinel, vous font une étude avec une hypothèse de revente au bout de 9 ans).
Le plus gros dans cette histoire, et qui me met réellement en colère, c'est que pendant le rendez-vous qu’il avait eu en visio avec le cabinet (il est en région parisienne et le cabinet est sur Toulouse), on lui a demandé le code qu'il venait de recevoir par SMS. Si vous n'avez pas compris pourquoi je vais vous l'expliquer : ils se sont permis, sans le lui expliquer, de signer le contrat de réservation à sa place (Yousign en signature électronique), et j'espère juste qu'il a suivi mon conseil, en envoyant sur le champ un formulaire de rétractation en recommandé au promoteur (je ne sais pas encore si, dans la vidéo que je vais faire sur ce dossier, je vais citer ou pas le nom du cabinet, mais je vous avoue que ça me démange).
Conclusion : ne croyez pas tout ce que vous raconte le commercial, car le discours est toujours fait pour vous rassurer, voire même, vous "endormir", et une étude doit toujours être argumentée, avec par exemple, une analyse du marché : je viens, par exemple, de passer 3 heures en visio avec une future cliente (enfin j'espère), car en plus de l'étude, réalisée avec une analyse détaillée du marché locatif, il y avait à commenter des données INSEE et notaires, une vue Google Earth de l'environnement de la résidence, des photos du quartier juste autour, et même un article de presse expliquant la tension sur le marché immobilier local. Petite anecdote : elle voulait me donner la réponse demain, et je lui ai dit que, à sa place, je ne prendrais pas une décision aussi rapide, et qu'elle s'accorde au moins la fin de semaine pour réfléchir et voir si elle avait d'autres question.
L'investissement n'est pas un jeu, car vous allez vous mettre un crédit sur le dos, et le minimum que le conseiller doit faire (si il n'est pas juste un commercial qui parle bien), est de vous prouver ce qu'il raconte, avec des sources fiables, pas juste la plaquette commerciale du promoteur.
Bonne soirée.
Patrick LEGOFF