Messagepar odilegirard » 14 févr. 2013, 16:26
voir sur le sujet le site du DR. Girard par ex.http://www.rolandsimion.org/spip.php?article205
Les génériques : un cas d’école
Régression préoccupante saluée comme un progrès par tous les pourfendeurs de Big Pharma dont l’assentiment jobard conforte les autorités dans des mesures d’incitation de plus en plus contraignantes, l’avènement des génériques mérite au contraire d’être dénoncé au travers de la grille d’analyse découlant des constats précédents. Car s’il est classique de stigmatiser l’industrie pharmaceutique (et leurs autorités de tutelle) pour les prix exorbitants de leurs pseudo-innovations censément justifiés par un coût de recherche nettement surévalué [10], force est de constater qu’en pharmacie, la fabrication de génériques représente, à l’autre extrême, un moyen facile de faire de l’argent à bas coût, en utilisant - avec la scandaleuse connivence des agences sanitaires - la santé publique comme variable d’ajustement [11].
Si elle en est venue aujourd’hui à concerner à peu près tous les médicaments, il faut bien constater, en effet, que cette dégradation accélérée de la qualité pharmaceutique a été fortement encouragée par la mode des génériques qui ne connaît quasiment d’autre règle que la réduction des coûts - coûte que coûte, si j’ose dire. Et pour maximiser cette réduction (partant, le profit du génériqueur), la délocalisation est une stratégie clé. Le médicament aura, par exemple, été fabriqué au Canada, sur un principe actif produit en Inde à partir de matières premières venus de Chine, l’autorisation de mise sur le marché ayant été finalement octroyée sur la base d’une petite étude de bioéquivalence (cf. plus bas) réalisée en Pologne : ce n’est pas un circuit aussi étourdissant qui empêchera les autorités de rançonner les citoyens français via un remboursement financé par la Sécurité sociale...
A elle seule, cette "étude de bioéquivalence" suffit à caractériser et la mauvaise foi des autorités, et leur criminelle inconscience. Pour faire simple, il s’avère que l’essentiel qui conditionne l’autorisation de mise sur le marché d’un générique est une petite étude généralement réalisée chez une vingtaine de patients qui permet de montrer que les taux sanguins obtenus avec la copie sont "à peu près" les mêmes que ceux obtenus avec le médicament copié (princeps). Par "à peu près", la réglementation entend que la concentration maximale obtenue avec le générique se situe dans une fourchette de ±20% par rapport au princeps (soit, en d’autres termes, dans une zone comprise entre 80% et 120% relativement aux valeurs obtenues avec le médicament princeps).
Imaginons un patient qui reçoit un "générique-80%" et qui ajuste sa posologie avec ce médicament ; imaginons maintenant que lors du renouvellement, il lui soit délivré un "générique-120%". Il n’y a pas besoin d’être sorti de Polytechnique pour comprendre que le surplus est de 40% et que, rapporté au médicament qu’il prenait jusqu’alors, sa concentration sanguine aura augmenté, en proportion, de 40/80, soit une augmentation de 50% ! [12]. Il va de soi - du moins : il devrait aller de soi - que, notamment avec les produits ayant une "marge thérapeutique étroite" (comme les antiépileptiques), une telle variabilité de concentration fait courir des risques considérables au patient concerné.
Mais l’aveuglement des autorités va encore plus loin. Car pour peu onéreuses qu’elles soient par rapport à un développement pharmaceutique "normal" et nonobstant leurs limites qui viennent d’être démontrées même lorsqu’elles sont bien menées, ces études de bioéquivalence font elles-mêmes l’objet d’un trafic éminemment suspect, avec notamment une forte tendance - elles aussi - à la délocalisation dans des pays où, notoirement, la réglementation des essais cliniques relève du voeu pieux. Ainsi et selon l’un de mes informateurs, deux centres indiens spécialisés dans la réalisation de telles études auraient été momentanément interdits en 2005, en raison de leurs pratiques frauduleuses : s’est-on seulement intéressé rétrospectivement aux génériques qui avaient été autorisés sur la base d’une étude réalisée dans ces centres ?
Le vrai problème, c’est que seule une proportion infime des études de bioéquivalence fait l’objet d’une inspection : un indicateur intéressant de la crédibilité des autorités sanitaires dans leur zèle promotionnel à l’endroit des génériques serait de leur demander le nombre total de génériques qui ont été autorisés dans notre pays depuis disons 15 ans et, relativement à ce nombre (que je soupçonne assez considérable), la proportion des études de bioéquivalence qui ont fait l’objet d’une inspection effective. Dans l’attente de cette comparaison instructive [13], il faudrait beaucoup de naïveté pour croire en la similarité des génériques et des médicaments princeps [14] [15].